Le Pape François a canonisé le 16 octobre José Luis Sánchez del Río, martyr Cristero de 14 ans.
Martyr à quatorze ans : ainsi se résume la vie de José Luis Sanchez del Rio, avait déclaré le cardinal Juan Sandoval Iñiguez, archevêque de Guadalajara (Mexique), pour sa béatification avec douze autres martyrs dans cette même ville, le 20 novembre 2005.
Né le 28 mars 1913 à Sahuayo, dans le Michoacán, assassiné le 10 février 1928 par les soldats de l’armée fédérale, José Luis Sánchez del Río est le plus jeune combattant martyr distingué à ce jour par l’Eglise l’épopée des Cristeros, ces catholiques mexicains persécutés par un Etat antichrétien.
En 1924, Elias Calles devient président du Mexique. Ce général déteste les chrétiens et veut supprimer l’Eglise au Mexique. L’armée et la police envahissent les églises. Les catholiques protestent. Les soldats tirent sur les processions religieuses en criant « Vive Satan ! » Il y a des morts. Alors dans les campagnes, les paysans chrétiens se révoltent. Ils sont pauvres mais nombreux : on les appelle les « Cristeros », parce qu’ils crient : « Vive le Christ-Roi ! »
Le 31 juillet 1926, l’Eglise suspend le culte public dans tout le Mexique. José n’a même encore que treize ans et cinq mois lorsqu’il commence à assiéger père et mère pour obtenir la permission de s’engager aux côtés des Cristeros. Sa mère lui fait valoir avec douceur qu’il est encore minuscule, et risque de gêner les combattants bien plus qu’il ne saurait les aider. Il lui répond : “Ce n’est pas vrai, maman. Tu n’ignores pas, par exemple, que je sais ferrer un cheval et que je cuisine très bien. Tu sais aussi qu’il n’a jamais été aussi facile de gagner son ciel qu’aujourd’hui. Pourquoi m’empêcherais-tu de tenter moi aussi ma chance à cette occasion ?”
La mère finit par autoriser son fils à écrire au général commandant les Cristeros de Michoacán, don Prudencio Mendoza, pour demander s’il accepterait de l’enrôler. Réponse négative : José est trop petit pour porter les armes, mais on le félicite de ses bonnes dispositions. Rendez-vous pour l’anniversaire de ses dix-huit ans. L’enfant s’accroche, et écrit de nouveau au général cristero que non seulement il est bien le meilleur pour le soin des chevaux, mais qu’il n’a pas son pareil dans l’art de faire cuire et griller les haricots, ce qui n’est pas rien !
Don Prudencio se laissa attendrir, et finit par répondre au gamin : « Si ta mère donne sa permission, je t’accepte. » Luis découragea en vingt-quatre heures la résistance de sa mère et devint très vite la mascotte chérie de tous les combattants, qui l’appelaient Tarcisio. Il préparait les feux, dirigeait de nuit le Rosaire et les chants, épongeait le front des blessés et trouvait moyen de faire rire aux heures sombres les plus découragés.
Le 5 février 1928, près d’un an et demi après son admission parmi les combattants cristeros, Luis est autorisé à prendre part à un combat de cavalerie près de Cotija, où l’étalon du général Mendoza est abattu par un tir des Fédéraux. Luis saute aussitôt gracieusement à terre, tend ses rênes de sa jument au général, réclame un fusil, couvre sa retraite, puis se fait prendre à court de munitions. « Notez bien, explique-t-il fièrement à l’officier fédéral, que je ne me suis pas rendu. J’ai manqué de cartouches, voilà tout ! »
Les soldats veulent montrer au peuple que tous ceux qui soutiennent les Cristeros seront fortement punis. Ils demandent à José de renier sa foi au Christ : ils promettent de ne pas le tuer s’il ne se déclare plus chrétien. Le petit Mexicain refuse ! Bien qu’accablée d’angoisse, sa mère encourage son fils à ne pas trahir Jésus.
Alors les soldats lui coupent la peau de la plante des pieds et l’obligent à marcher dans le village, tout autour du cimetière. Il pleure de douleur mais ne cède pas. De temps en temps ils s’approchent et disent : « Si tu cries : Mort au Christ Roi ! on te laissera en vie ». Mais lui répond : « Vive le Christ Roi !».
Au cimetière, avant de l’abattre, ils lui demandent une dernière fois s’il voulait renier sa foi. Il refuse et ils le tuent sur place. Il meurt en criant comme beaucoup d’autres martyrs mexicains : « Vive le Christ Roi ! »
Les soldats doivent interdire ensuite les entrées du cimetière à la population. Tout le monde veut s’approcher de la fosse commune pour recueillir une relique encore sanglante du petit « santo Cristero ». Les blanchisseuses du village découvriront peu après dans les poches d’un uniforme militaire ce simple bout de papier : « Ma petite maman, me voilà pris et ils vont me tuer. Je suis content. La seule chose qui m’inquiète est que tu vas pleurer. Ne pleure pas, nous nous retrouverons. – José, mort pour le Christ-Roi. Cotija, 6 février 1928. »
Deux enfants assistent au martyre; l’un avait sept ans et l’autre neuf. Par la suite tous deux fonderaient des congrégations religieuses très dynamiques. Le premier est à l’origine des Légionnaires du Christ, qui comptent aujourd’hui plus de 650 prêtres et 2 500 séminaristes dans 18 pays. Le second est le fondateur de la Confraternité sacerdotale des ouvriers du Royaume du Christ, qui a des maisons de formation aussi bien au Mexique qu’en Espagne et est présent dans divers pays du monde. Il avait demandé à José Luis de pouvoir le suivre sur son chemin, mais José Luis, le voyant aussi petit, avait répondu : « Tu feras des choses que moi je n’arriverai pas à faire ». Tous deux disent que leur vocation est née du martyre de José Luis. Le sang des martyrs est toujours semence de chrétiens.
Texte de Hugues Kéraly
Dessins de Fleur-Lise Gras Tachon